Les tombes mégalithiques des environs de Grasse

On connaît 100 dolmens environ en Provence. Ils forment la limite sud-est de l'expansion mégalithique dans le sud de la France. On distingue trois groupes en Provence : les dolmens alpins, les dolmens à chambre allongée de Provence occidentale, et les dolmens à chambre carrée de Provence orientale.
Les dolmens de Provence orientale forment un groupe cohérent de Brignole à Vence, des gorges du Verdon au littoral. La concentration la plus important (un quarantaine de tombes dont 24 dolmens) se trouve de part et d'autre de la Siagne, à Mons, St Cézaire et St Vallier.
Le dolmen des Puades

Les dolmens sont généralement édifiés en zone de relief : sommet, crête, rupture de pente, bord de falaise ou col. Ils sont formés d'une chambre à plan carré ou sub-carré, de moins de 2 m de côté, avec des parois latérales en pierre sèche ou en dalles complétées par un petit appareil aux angles. Le chevet est formé d'une grande dalle, l'entrée est encadrée par deux dalles-piliers. La plupart des dolmens étaient couverts d'une dalle de couverture qui a souvent été détruite. Le couloir d'accès peut être marqué par 2 pierres seulement, ou très élaboré, avec des parois en dalles ou pierre sèche.
Le dolmen est recouvert d'un tertre de pierres, rond ou ovale, de 7 à 26 m de diamètre, parfois cerclés de gros blocs faisant fonction de parement.

Les autres types de tombes sont :
- des tombes en blocs, de plan circulaire ou carré, composées d'une assise de blocs sous un tumulus de 6 à 12 m de diamètre. : 21 de ces tombes ont été retrouvées à St Cézaire et St Vallier .
- Des tombe sous tumulus sans chambre aménagée (ex. tumulus des passages, Saint-Vallier, daté du Campaniforme).

 

La tombe en blocs du Prignon à Saint Cézaire

L'architecture des dolmens de Provence orientale se distingue de celle des dolmens du Languedoc par quelques détails ; les tombes en blocs sont une spécificité de la Provence orientale : ces particularités témoignent de l'existence d'un " centre mégalithique " important.

Origine et datation
Comme les dolmens du sud de la France, les dolmens provençaux se situent à la fin du processus de développement de cette architecture funéraire en Europe ; il existe toutefois des tombes individuelles en dalles dressées ou pierre sèche sous tertre de terre plus anciennes : coffres chasséens (Marseille St Jean du désert, tombes de Ventabren (dont une est datée du IVème millénaire).


Les plus anciennes tombes mégalithiques se situent sur la façade Atlantique, en Bretagne et au Portugal, et sont datées de la première moitié du Vème millénaire avant J.-C., alors que les dolmens provençaux ont été érigés aux environs de 3000 av. J.-C. : les datation calibrée des couches de base des dolmens provençaux couvrent la période de 3450 à 2500 BC (néolithique final) (ex : dolmen du Prignon à Saint Cézaire, 2900-2200 BC). Leur construction correspond au Néolithique final. Plusieurs tombes des Alpes Maritimes ont été construites à la fin du troisième millénaire, au Campaniforme.

 

Les dolmens de Provence orientale ont souvent plusieurs niveaux d'occupation. Par exemple, le dolmen des Peyraoutes à Roquefort-les-Pins a été utilisé au Néolithique final et au campaniforme.
Il y a parfois des réutilisations plus tardives, après une interruption de plusieurs siècles, dans la chambre (ex. dolmen des Peyraoutes : sépultures du bronze ancien et du Bronze final, dolmen des Puades à Saint Cézaire, avec une sépulture du 1er âge du fer), ou dans le couloir (sépulture du bronze ancien dans le couloir du dolmen de Pomeiret à Cabris), ou dans le tumulus.

Le fonctionnement des dolmens
- L'accès à la chambre sépulcrale est vertical pour les coffres, les tombes en blocs, horizontal pour les dolmens.
- Beaucoup de dolmens sont sans dalle de couverture ; dans beaucoup de cas, c'est le résultat de destructions anciennes, mais il est établi que quelques dolmens n'ont jamais eu de dalle de couverture. Dans ces cas, les inhumations (ou incinérations, comme à Plan-de-la-Tour dans le Var) étaient simplement recouvertes de terre et de pierres.
- Les couloirs sont comblés de blocs pour les colmater, avec des traces de désobstructions répétées de la partie près de l'entrée du dolmen. Les dolmens sont en effet des tombes collectives, structures sépulcrales closes mais permettant des accès répétés pour déposer les corps des défunts, décès après décès.

Chambre du dolmen des Peyraoutes à Roquefort-les-pins : ossements fragmentés et en désordre.

- Les tombes sont réutilisées longuement, avec rangements des os décharnés pour dégager de la place pour les nouveaux décédés. Ces rangements répétés des os aboutissent à la dispersion des os de chaque squelette, et donnent à la fouille une impression de grand désordre. Il y de très nombreux inhumés : par exemple, au dolmen du Prignon à Saint Cézaire, il y avait, d'après le décompte des dents, au minimum une centaine d'individu décomptés dans un lambeau de couche épargné par les fouilles anciennes, fouillé par G. Sauzade. Dans les couches néolithique final et Campaniforme du dolmen des Peyaroutes, fouillé par J. Courtin, l'étude anthropologique (C. Bouville) a décompté un minimum de 172 individus.
- Des phases d'utilisation sont parfois séparées par une " remise en état " du monument, marquée notamment par un dallage qui constitue un nouveau sol.
- Les sujets sont généralement inhumés, mais certains semblent avoir été incinérés.
- Le mobilier déposé avec les individus inhumés se compose de poteries, de silex taillés (pointes de flèches, poignards, lames, éclats), de parures. Le nombre d'objets recueillis suggère que les individus n'étaient pas tous inhumés avec un dépôt funéraire. Il peut s'agir soit de dépôts collectifs, soit de différences individuelles.

Deux gobelets campaniformes (en forme de cloche) de la tombe n°2 de sainte Anne à Saint Vallier. Fouillée en 1882 par Casimir Bottin, cette tombe contenait deux squelettes, accompagnés de 4 vases campaniformes. Ces vases campaniformes sont très fréquemment, à l'échelle de l'ensemble de l'Europe, utilisés comme dépôt funéraire et associés à quelques objets spécifiques : pointes de flèches en silex, brassards d'archer, boutons à perforation en V, pendeloques courbes (" arciformes "), poignards en cuivre. Certains archéologues pensent qu'il s'agit là de biens de prestige, que la présence dans le mobilier funéraire de vases à boire et d'armes sont le symbole d'un statut particulier des individus inhumés, qui bénéficieraient de plus de richesse, de prestige et de pouvoir. D'autres auteurs contestent cependant la valeur précieuse attribuée à ces vases.