L'idée à l'origine de ce travail paraissait simple : construire le cours de 4ème sur la révolution industrielle à partir d'une visite de la ville, en observant les éléments du paysage directement issus des transformations induites par la révolution industrielle, dans une ville qui fut une des principales villes industrielles de la Côte d'Azur. Je reprenais là le thème d'un travail fait quelques années auparavant à Grasse avec les animatrices du service des musées de la ville. Plus prosaïquement, il s'agissait aussi d'organiser une activité "gratifiante" et un peu hors du quotidien, pour les élèves qui ne participaient pas aux différents voyages linguistiques au mois de mai 2006. Enfin, suite aux travaux des clionautes, j'avais envie de faire réaliser à mes élèves un hyperpaysage. Je m'étais formé à cet exercice en réalisant l'hyperpaysage du village corse de Sollacaro.

Il a fallu ensuite rassembler une documentation conséquente (qu'on peut en grande partie consulter sur ce site, ici), préparer la visite ...

J'ai bénéficié pour cela de l'aide de M. Monteux, propriétaire de l'usine Monteux, qui m'a permis de prendre des photos (mais la visite prévue avec les élèves n'a pu avoir lieu, pour des raisons de sécurité). Michel Ribéro, potier, ethnologue, fondateur du musée de la poteire et ex-maire de valaluris, n'a pas ménagé ses efforts, offrant l'entrée de son musée aux élèves, m'envoyant des photographies introuvables de sa collection personnelle (notées "photo coll. M. R."), me confiant des documents originaux (le livre de Lieutaud, le registre des délibérations des patrons potiers, des actions de la sociéte de la poterie culinaire). Je tiens à les remercier.

Les visites elles-mêmes se sont effectuées en 2 heures pour chaque classe, avec un questionnaire à remplir par les élèves. Il s'agissait de 2 classes de 4ème du collège Picasso à Vallauris (collège en ZEP), de niveau moyen relativement faible et surtout extrêmement hétérogène (depuis les excellents élèves jusqu'àdes primo-arrivants totalement non francophones), avec quelques élèves en situation de grand échec scolaire et de révolte permanente contre l'institution scolaire.

Les luttes sociales ont été étudiées en classe à partir de l'exemple du lock-out des usines de poterie en 1908.

Les élèves devaient ensuite rédiger des pages du site, selon un plan de rédaction préétabli et avec des consignes précises, et, après correction, créer en cours de technologie une page html illustrée à l'aide des photos et documents mis à leur disposition dans une banque d'image sur le site internet du collège.. Les élèves absents lors de la visite devaient, de leur côté, piocher dans ces images pour mettre en forme un texte de synthèse rédigé par le professeur sur la transformation du paysage.

Les résultats ont été inégaux : beaucoup d'élèves ont rédigé des textes décevants, la production des pages html, effectuée à la fin de l'année, n'a pas été effective pour tous. D'autres se sont pris au jeu avec plus de réussite. Il me semble néanmoins que, au-delà de la diversité des "performances" des élèves, ce cours a pris pour eux une coloration plus concrète, et qu'ils ont mieux assimilé des notions complexes.

Ce travail sur histoire, patrimoine et paysage, mémoire et témoignage, est le dernier d'une série entreprise il y a quelques années. Après l'antiquité romaine, le moyen-âge, la révolution française, la résistance et la déportation, la technopole de Sophia-Antipolis, j'aurais aimé utiliser aussi la chapelle baroque et son retable du 18ème siècle pour un travail sur la religion, le plan en damiers de la vieille ville fondée en 1501 pour étudier la renaissance, des villes rêvées aux fondations concrètes, le quartier HLM de la Zaïne, pour étudier la crise urbaine et sociale de la fin du XXème siècle, la liste des maires de la commune, trouvée sur WIKIPEDIA, pour étudier le paysage politique français au XXème siècle .... J'ai cherché, dans ces différents travaux, à enraciner concrètement et localement les évolutions historiques que nous expliquons aux élèves ; j'ai tenu à les mettre en situation de production et de communication ; enfin, j'ai cherché à leur faire prendre conscience, à travers des exemples concrets, que les paysages de leur vie quotidienne, que les destins individuels des personnages qu'ils rencontrent, en chair et en os ou dans les archives, sont intelligibles quand on les replace dans un contexte plus large, par l'histoire et la géographie. Il me semblait que c'était contribuer à leur formation de citoyens.

Mais je quitte le collège cette année. J'espère que mes collègues reprendront le flambeau !

Bernard Gassin, le 6 juillet 2006

Pour me contacter : bernard.gassin@ac-nice.fr

Pour en savoir plus :

Sur les hyperpaysages :
Le concept d'hyperpaysage a été créé par l'équipe du
Laboratoire de Méthodologie de la Géographie de l'Université de Liège (LMG)
Ils proposent sur
cette page une série de méthodes en fonction du temps et des moyens techniques de chacun.
L'association
Les Clionautes a organisé son université d'automne 2004 sur les hyperpaysages. Des pages pratiques en sont issues.
Voir aussi, à l'autre extrémité de la France,
l'hyperpaysage de Lille-Moulins réalisé par Caroline Jouneau-Sion et ses élèves, un travail qui a suscité toute mon admiration.