La Corse est une île. L'insularité est à la fois un éloignement, un isolement, et une dépendance.

Eloignement : A l'exception de la période Paoliste où la Corse fut indépendante (1755-1768), la Corse a toujours été rattachée et dépendante d'un état continental : Pise, Gênes, France. Elle s'est alors trouvée éloignée des centres de pouvoir et de commandement, des lieux de décision. Cet éloignement est aussi économique : la distance, la nécessaire rupture de charge des transports, entraînent une hausse du côut des importations et des exportations, parfois renforcée par la législation (au XIXème siècle, les produits corses sont lourdement taxés à l'exportation, aggravant le sous-développement économique de l'île). La revendication de la "continuité territoriale" (subventionnement des transports maritimes pour aligner les tarifs des transports sur ceux des chemins de fer), posée dès avant la première guerre mondiale, ne sera satisfaite qu'en 1976.

Isolement : L'isolement est sensible à divers titres : que survienne une grève dans une compagnie de transports (comme les grèves très dures des marins de la SNCM) et la liaison Corse-continent peut être partiellement interrompue, malgré l'ouverture à la concurrence des liaisons maritimes et le développement des liaisons aériennes. Mais il s'inscrit surtout dans la longue durée et à travers différentes dimensions. L'isolement (ce mot a d'ailleurs la même étimologie que île) a favorisé l'émergence et la formation d'une langue et d'une culture corse spécifiques. L'isolement est aussi sensible à travers la relation à la mer : la Corse est à l'écart des grandes routes maritimes et n'a pas pu jouer, à l'instar de Malte ou Chypre, un rôle de plaque tournante des transports maritimes. De plus, pendant des siècles, la mer a d'abord représenté une menace : c'est de la mer que venaient les pirates, notamment d'Afrique du Nord, si bien que le littoral fut délaissé au profit de l'intérieur. Au XVIème siècle, les gênois ceinturèrent l'île d'une centaine de tours de guet et de défense, qui matérialisent dans le paysage le destin d'une île qui s'est développée dos à la mer. La situation de Sollacaro, cachée de la mer par une crête, est à cet égard significatif. Paradoxalement, le délaissement du littoral a créé les conditions d'un développement littoral actuel tout-à-fait spécifique, dans la mesure où c'est la préservation du littoral et l'existence de centaines de km de côtes sauvages qui constituent l'un des atouts touristiques majeurs de la Corse du XXIème siècle. Mais cette ouverture au tourisme majoritairement balnéaire remet en cause les équilibres écologiques, économiques ... C'est un des défis auquels la Corse doit faire face.

Dépendance :   la dépendance est économique, sociale, politique. Economique : les revenus de l'île sont en grande partie tirés du tourisme, des salaires et retraites de la fonction publique ... Sociale : l'importance historique des emplois publics, dans un contexte où les pouvoirs publics métropolitains avaient choisi de s'appuyer sur les notables locaux pour contrôler l'île, a favorisé le développement du clientélisme et de structures de type clanique, notamment sur la base du marché "une voix (en fait, les voix de toutes la famille) / un emploi" ... Dénoncé et contesté par tous les courants politiques de l'île, ce travers est-il encore important aujourd'hui ? Politique : dépendant du pouvoir central pour la manne des emplois publics et des subventions, la Corse est marquée, dans son histoire, par une remarquable tradition de légitimité.

Mais la mer est aussi, aujourd'hui, une ressource : un produit touristique. Avec 1000 km de littoral, 300 km de plages, la Corse bénéficie d'une ressource touristqiue d'autant plus exceptionnelle que le littoral est encore en grande partie intact et sauvage. Entre protection du littoral et developpement touristique, le devenir des côtes corses est en question.